Association Nationale des Professeurs de Français en Uruguay

Le billet de la Vice-présidente - Le français et les sciences

Chères et chers collègues de partout,

La communauté linguistique est une des formes, probablement la plus importante de toutes les formes de communauté, qui ouvre l’accès aux demeures de la culture et de l’esprit. Sensibiliser le public à la question des relations entre science et culture par le biais du français, c’est une tentative de nous entrainer aux transferts de concepts d’un domaine à un autre, base de réaménagement permanent de l’organisation des savoirs qui, au-delà du travail d’élucidation et de mémoire, apparait, plus que jamais, comme une stratégie de la modernité.

C’est sur ce modèle de stratégie que mon billet d’octobre se propose de retenir votre attention, sous l’inspiration d’un évènement qui a marqué, entre les 21 et 24 septembre dernier, le monde francophone. Il s’agit de la première édition de la Semaine mondiale de la Francophonie scientifique, mise en place par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) à l’occasion de son 60ème anniversaire. L’évènement s’est déroulé dans une formule hybride, en présentiel, à Bucarest, en Roumanie, et à distance, par visioconférences partout dans le monde. Près de 260 partenaires académiques, scientifiques, économiques et institutionnels ainsi que des expert.e.s et des réseaux francophones de tous les continents y furent accueillis, pour mener une réflexion approfondie autour des enjeux majeurs du sujet phare retenu pour ces assises. Dans le contexte de cet évènement, le Recteur de l’AUF, Prof. Slim Khalbous, a dévoilé le « Livre blanc de la Francophonie scientifique », un état des lieux exhaustif réalisé suite à une consultation mondiale inédite entreprise en 2020 et à laquelle la FIPF, que j’ai représentée en tant que vice-présidente, a été invitée à se joindre. Pour bien profiter de cette admirable synthèse, je vous convie à consulter https://auf-semaine-francophonie.auf.org/wp-content/uploads/2021/09/AUF_Livre_blanc_web_1.pdf.

Il faut rappeler que l'Agence universitaire de la Francophonie et la Fédération Internationale des Professeurs de Français ont signé depuis 2017 un accord de partenariat dans lequel elles s’engageaient à conjuguer leurs actions dans le domaine de la promotion de la langue française et de la francophonie. Cet accord devait conduire à une meilleure valorisation de l'expertise disponible dans les universités membres de l'AUF et dans les associations affiliées à la FIPF dans les domaines d'intérêt conjoint de ces deux institutions complémentaires : l'AUF, avec plus de 800 universités membres dans plus de 100 pays, et la FIPF, avec plus de 200 associations d'enseignants de français membres dans 120 pays. Bon nombre de ces associations ont un profil universitaire. D’autres, encore plus nombreuses, réunissent dans leurs structures des enseignants du secondaire et du milieu académique. Autant d’acteurs dévoués, au service de la francophonie scientifique : congrès, colloques, journées d’étude, stages de formation, concours, recherche et publications, filières francophones et enseignement des DNL en français en sont la preuve. 

Un joli exemple d’activité qui marie le français et les sciences dans un champ particulier, celui de l’interdisciplinarité, est le concours initié annuellement, depuis 2006, par l’Association CST / Culture Sciences et Territoires, et que beaucoup parmi vous, enseignants, élèves ou étudiants, connaissent déjà. La FIPF est un partenaire fidèle de ce concours d’écriture qui propose aux participants individuels de composer un texte contraint quant au sujet et à la forme. En 2021, année de la commémoration de Jean de La Fontaine (1621-1695), il s’agissait d’écrire selon le modèle du fabuliste, mais avec les données actuelles de la science. On mesurait ainsi, collectivement, 400 ans de différences, en réalisant une forme littéraire ancienne du 17ème siècle tout en délivrant des contenus scientifiques de notre temps. Les éditions précédentes étaient consacrées à l’Eau, l’Arbre, Madame Curie, les Mesures ou la Lune. Chaque année, plus de cent participants du monde entier s’essaient, avec succès et plaisir, à cette interdisciplinarité imposée.

Il y a, comme le disait Diderot, deux moyens de cultiver les sciences : l’un est celui d’  « augmenter la masse des connaissances par des découvertes » - c’est la vocation de la recherche scientifique ; l’autre est celui de transmettre, non pas (ou pas seulement) un patrimoine à conserver pour les générations futures, mais plutôt une synthèse provisoire, permettant aux hommes de réaménager en permanence leur rapport au monde, ce qui suppose en même temps acquisition et interprétation – et c’est la vocation de l’enseignement. Les deux nous concernent. Et dans ce contexte, toute tentative pour ouvrir un espace culturel entre science et société doit être encouragée. C’est l’un des messages essentiels des Assises de la Francophonie scientifique de l’AUF, message auquel notre fédération s’associe pleinement. Comme Michel Serres l’écrivait, le Tiers-instruit est celui qui saura se nourrir des humanités comme des sciences, les unes n’allant pas sans les autres, pour s’adapter aux évolutions du monde qui nous entoure. Et quelles évolutions, à l’époque de la pandémie et après ! ... Nous en avons la conscience et nous sommes solidaires dans nos efforts. Des thématiques tournées vers l’avenir attendent nos contributions : l’interdisciplinarité ou le numérique, oui, mais aussi l’insertion professionnelle, l’employabilité et l’entrepreneuriat, le réseautage et la coopération, l’innovation, comme pilier de la performance ... 

Le défi pour nos associations, chères et chers collègues, est de taille. Nous sommes à votre écoute. Vous serez bientot invités à participer à une enquête initiée par notre présidente et à partir de laquelle, dans une démarche ascendante, basée sur des idées venues du terrain, la stratégie 2021-2025 de la FIPF sera définie. 

Doina Spiță

Vice-présidente de la FIPF